Interview Olivier Colombano, Directeur des Vins de Bandol

Olivier Colombano Vins de Bandol

LTR - Comment se porte Bandol ?
Olivier Colombano
- Nous ne sommes pas rattachés à l’interprofession, nous n'avons aucune donnée économique mais l’appellation se porte bien. Notre indicateur, c’est la dynamique de l’appellation avec un renouvellement des générations, de jeunes vignerons qui s'installent, une envie globale de progresser, d'avancer. C’est de bon augure. Les surfaces en production progressent elles aussi chaque année même si les volumes sont fortement dépendants du climat. Ce qui fait que l'an dernier, nous avons eu l’une de nos plus petites récoltes en raison des conditions climatiques. 


LTR - Bandol, c’est aujourd’hui 75% de rosé, 20% de rouge et 5% de blancs. Faut-il s’attendre à un rééquilibrage ou à une autre dynamique ? 
OC - C'est une tendance qui est stable je dirais. Cela fait quinze ans que je travaille pour l’appellation et on a toujours été autour de 70-75% de rosés.  Pour nous c'est indispensable d'avoir les trois couleurs car elles couvrent des profils de consommation et de consommateurs différents. Les grands amateurs viennent à nous par le rouge, les nouveaux consommateurs vont plus volontiers sur la couleur forte, le rosé. Et ces rosés structurés, de bouche, peuvent être une porte d’entrée pour aller sur les rouges. Sur les blancs, la production augmente légèrement tous les ans car c’est la tendance du moment. C’est aussi la couleur pour laquelle les vignerons disposent d’un peu plus de souplesse par rapport au cahier des charges. 


LTR - Le cahier des charges justement, et notamment pour les rouges, offre-t-il suffisamment de souplesse dans le contexte actuel de réchauffement ? 
OC - On a un cahier des charges assez restrictif mais c’est aussi sa force. Maintenant, effectivement, le contexte climatique faisant, on a demandé à l’INAO de pouvoir diminuer notre durée d'élevage sous-bois obligatoire (dix-huit mois aujourd’hui) à douze mois. On garderait les 18 mois qui sont nécessaires au mourvèdre pour s'épanouir et se mettre en place mais en limitant le temps passé sous bois à 12 mois.


LTR - La force de Bandol réside aussi dans son cépage vedette, le mourvèdre, qui participe au fort caractère de ces vins. Comment réagit-il aux problématiques climatiques ?
OC
- Je ne sais pas si les anciens étaient visionnaires mais c'est un cépage qui aujourd'hui se comporte très bien et nous donne pleinement satisfaction. C’est un cépage tardif qui réagit bien face au changement climatique que l’on vit actuellement avec ces fortes chaleurs et ces diminutions de pluviométrie. On arrive à des maturités optimales tout en gardant l’équilibre.  Bandol a toujours produit des vins puissants mais dont la chaleur est totalement intégrée et digérée par la structure de nos vins, entre tanins, pour les rouges, et acidité.  Et on a la chance aussi d'avoir ce que l’on appelle des « doux amers », notamment sur nos rosés qui ramènent une certaine fraîcheur en fin de bouche. 


LTR - Le caractère du cépage ne se dilue pas dans les rosés de Bandol qui affichent une vraie personnalité et une vraie capacité de garde.
OC
- Nous on les appelle des « rosés de longue tenue ». "Tenue" dans le temps, parce qu'effectivement ils se dégustent très bien au printemps suivant, à l'automne, et pendant trois ans ils sont vraiment en pleine capacité gustative. Après, pour les amateurs, c'est parfois passionnant de suivre leur évolution dans le temps plus long avec ce profil aromatique qui évolue sur l’abricot, le coing avec des équilibres intéressants. 


LTR - Est-ce que vous travaillez sur l'introduction d'autres cépages ? 
OC
- On est globalement pleinement satisfait de l’encépagement mais on se doit d’être vigilant et de construire la viticulture de demain. Nous avons mis en place une étude de suivi hydrique sur l'appellation. Or tout ce qui nous était prédit pour 2050 est allé beaucoup plus vite avec ces fortes hausses fortes de température et la baisse de la pluviométrie. On est déjà en plein dedans et certains cépages réagissent plus que d’autres.  On a donc demandé à l’INAO l'introduction de nouvelles variétés pour pouvoir les expérimenter à grande échelle. On s’intéresse à de vieux cépages endémiques qui étaient jadis trop tardifs, comme le mourvaison, un cousin du mourvèdre, ou la counoise et à d’autres cépages du grand sud, dont le carignan blanc, le terret blanc ou le carignan qui sont intéressants, au moins sur le papier, car capables d’apporter de la fraîcheur et de la structure.  Il y a aussi des cépages étrangers qui offrent ce profil dont le xinomavro, le calabrese et l’agiorgitico en rouges, ou l’assyrtico en blanc.  


LTR - De manière générale comment l'appellation affronte-t-elle la question du défi climatique et le problème de l'eau ?
OC
- On a mis en place une étude de suivi du vignoble avec des réseaux de stations météo et de sondes pour pouvoir saisir ce qu’il se passe en aérien et au niveau des sols. Le réseau de sondes en particulier implanté sur 17 parcelles nous renseigne sur la manière dont les sols captent et gèrent l’eau. Les données que l’on collecte nous permettent de caractériser les millésimes et d’étudier les réactions des vignes sur des critères qualitatifs et quantitatifs. L'idée c'est de déterminer à quel moment la vigne stresse, sous quelles conditions et à quel seuil, pour pouvoir chercher des solutions adaptées. Il y a d’autres voies comme l’irrigation, il ne faut pas s'en cacher, mais c’est une solution de court terme. Après, il y a la vision à plus long terme avec l'introduction de nouveaux cépages, un gros travail sur les porte-greffes et une réflexion sur l’association parcelle/cépage, c’est-à-dire planter le bon cépage au bon endroit en jouant, par exemple, sur les expositions. Ça devient vraiment une viticulture de précision. Notre but c'est d'amener partout ce suivi technique et de nourrir le ressenti des vignerons avec des données scientifiques qui leur permettent de s'adapter aux caractéristiques de leur terroir. 

 

Interview réalisée par Sébastien Durand-Viel - LTR